HOMMAGE A LOUIS MC NEICE
Je suis née il y a très longtemps, personne ne m’entend,
Les rats, les cloportes, la connasse du magasin de fleurs, le fisc et les acariens m’ont bouffé mes vêtements, ma peinture, ma musique, mes désirs, mon fric, mes amours ;
Je suis née il y très longtemps
Et personne ne m’a jamais consolée, aidée, personne n’a été là lorsqu’ils ont tenté de nous enfermer entre quatre murs, soigner avec autre chose que de la drogue, abrutir avec des slogans, nourrir avec des images vides, abreuver de Bétadine, nous habiller de mots ‘savants’ et nous garder, nous surveiller, nous regarder, nous emprisonner, nous faire payer.
Je demande pardon pour toutes les fois où la pression m’a fait oublier mon humanité, où je me suis retrouvée perdue, en colère, saoule, pour toutes les fois où même la personne qui m’aime a voulu m’abandonner, me quitter, m’oublier, pour toutes les fois où j’ai été celle que je ne suis pas.
Je suis née il y a très longtemps, mais je n’oublierai jamais que je suis encore capable de défoncer une porte et de forcer quelqu’un à l’existence même si c’est dur, même si personne ne veut d’une vie pareille, même si c’est injuste et même si on est convaincues que ça ne sert à rien.
Je ne sais pas faire de vagues et la poésie m’échappe, j’avais seize ans quand j’ai lu ce poème pour la première fois; vingt ans après il ne me reste qu’un goût amer et le sentiment d’avoir, une fois encore, été trompée, abusée, en pensées, en paroles, par action et par omission.
Je suis née il y a très longtemps et je n’en peux plus de me déchirer la gueule tous les soirs, de pleurer en silence, de voir la personne que j’aime se retrancher contre un mur qui s’écroule, de me lever tous les matins pour faire quoi exactement, dire merci à la Dame, souscrire, m’abonner ou légitimer ?
Où sont les arbres, l’herbe, les fleurs, le chant des oiseaux, la Lumière Blanche et le dernier RER pour Dourdan ?
translated by bénédicte Voisin (free speech)